Nagasawa
Nagasawa, in “Opus international”, 79, Paris, hiver 1980
La recherche de Nagasawa commence au sein du groupe d’artistes (Fabro, Tonello, Trotta) qui, au début des années ’70, ont travaillé d’une façon déterminante à mettre en évidence une nouvelle physionomie spécifique de la sculpture, contre la tradition qui, de la Renaissance à Baudelaire, ne l’envisageait qu’en position de dépendance expressive par rapport à la peinture,

Nagasawa, Mare, 1978
et également contre l’utopie technologique et méchante d’une production de simples objets prédéterminés par le pur projet, par une pensée abstraite et aseptique. Un travail long, qui a eu des temps de maturation tout à fait asynchrones par rapport à ceux du normal débat artistique et des modes culturelles, mais qui était pourvu d’une force et d’une assurance hors du commun, qualités qui, à présent, émergent avec beaucoup d’évidence.
Dans ce contexte, Nagasawa a toujours manifesté un très grand intérêt vis-à-vis d’une certaine essentialité anthropologique du geste plastique, vis-à-vis d’une formulation de l’icône comme structure intime et sensible de la matière plutôt que comme image superposée. Sa volonté est celle d’ “éclairer le sens intérieur et authentique du materiau”, par l’excitation de sa phénoménologie physique et de ses caractères historiques et culturels, à travers une exploration à la fois sensorielle et symbolique-intuitive.
Dans ses travaux Eau (Mer) et Tuile, de 1978-1979, qui peuvent bien être considérés comme exemplaires, Nagasawa a concentré son attention sur quelques réflexions très importantes. Avant tout, sur la possibilité d’un écart de la fonction par rapport à la forme esthétique (les effets de liquidité du bronze, dans Eau, les effets de malléabilité du marbre, dans Tuile, qui atteint la limite du paradoxe expressif et excite au plus haut degré les possibilités intimes des matériaux. Nagasawa déclare: “Quand on prend un matériau, par exemple le marbre, ‘marbre’ c’est un nom, ça ne peut pas servir. Et quand un sculpteur est en mesure de faire bien ce qu’il veut, et que l’oeuvre a un sens très élevé, à mon avis ce marbre devrait s’effacer…”. Par conséquent, il conçoit la technique non pas comme une opposition entre une pensée ordonnatrice et un support passif, mais comme l’acte absolu de la manipulation, comme un phénomène presque biologique qui engendre une créature tout à fait nouvelle et différente, en passant, de qualité en qualité et non de quantité en quantité, à travers la matière: une créature qui va exister par elle-même, au-delà de toute référence.
Donc, il s’agit d’une sculpture qu’il n’est pas possible de lire à un niveau seulement visuel, il s’agit d’une sculpture qui prétend à un sens précis, tactile, physique, prolongé, de l’espace et du temps. De cette façon, à l’opposé de la sublimation conceptuelle, toute mentale, toute extérieure et littéraire, Nagasawa travaille, aujourd’hui plus que jamais, sur une sculpture concentrée, linguistiquement bien définie et cohérente, qui est en mesure de produire son propre sens de façon autonome, sans aucune forme d’interférence théorique ou idéologique.
D’une manière analogue, à un certain hédonisme facile et surchargé d’aiguillons émotifs, il oppose une facture scandée, jamais emphatique, apparemment parfaite et froide, mais qui, en réalité, est faite pour prolonger le rapport sensoriel à l’infini, bien au-delà de la perception immédiate. C’est une sculpture décidément “hors contexte” que celle de Nagasawa. Mais peut-être s’agit-il d’un état typique de la sculpture d’aujourd’hui que celui d’être, toujours et nécessairement, “hors contexte”.