Arman
Arman, Réalisme des accumulations, luglio 1960, in “Zero”, n. 3, Düsseldorf, luglio 1961
Dans la recherche de créations nouvelles, recherche rendue nécessaire par la carence et la fatigue des peintures hédonistes et des peintures gestuelles, j’ai, d’une manière consciente, exploré le secteur: des détritus, des rebuts, des objets manufacturés réformés, en un mot: les inutilisés.
Pour les détritus, on a souvent parlé à ce propos de l’oevre de Kurt SCHWITTERS. S’il a semblé parfois se dessiner une certaine analogie, toutefois une différence fondamentale et définitive existe dans le résultat et la démarche.
Chez Kurt SCHWITTERS nous assistons à une recherche délibérée d’harmonies et d’assemblages esthétiques; pour lui, plus importante que le matériau, se trouve d`abord la possibilité de la valeur plastique des objets et celle de leur conjugaison; de plus, Kurt SCHWITTERS fut toujours sensible au sens littéraire des éléments choisis.
J’affirme que l’expression des détritus, des objets, possède sa valeur en soi, directement, sans volonté d’agencement ethétique les oblitérant et les rendant pareils aux couleurs d’une palette; en outre, j’introduis le sens du geste global sans rémission ni remords.
Dans les inutilisés, un moyen d’expression attire tout particulièrement mon attention et mes soins; il s’agit des accumulations, c’est-à-dire la multiplication et le blocage dans un volume correspondant à la forme, au nombre et à la dimension des objets manufacturés.
Dans cette démarche nous pouvons considérer que l’objet choisi ne l’est pas en fonction des critères DADA ou SURREALISTE; il ne s’agit pas là de décontexter un objet de son substratat utilitaire, industriel ou autre pour lui donner par un choix de présentation ou une inclinaison de son aspect, une détermination toute autre que la sienne propre; par exemple: anthropomorphisme, analogie, réminiscences, etc… mais il est question bien au contraire de le recontexter en lui-même dans une surface sensibilisée x fois par sa présence duplicatée; rappelons la phrase historique: mille mètres carrés de bleu sont plus bleu qu’un mètre carré de bleu, je dis donc que mille compte-gouttes sont plus comptegouttes qu’un seul compte-gouttes.
De plus, dans ces surfaces, je dis bien surfaces car même dans mes compositions volumétriques ma volonté est toujours picturale plus que sculpturale, c’est-à-dire que je désire voir mes propositions prises dans l’optique d’une surface plus que d’une réalisation en trois dimensions.
Dans ces surfaces dont l’élément unique dans son choix se trouve être une proclamation monotypique bien que plurale par son nombre et donc très proches des démarches monochromes d’Yves KLEIN.
Le côté obsessionnel et profératoire de la multiplicité d’un objet le rend pareil à une granulation unie, expression de la conscience collective de ce même objet.
A tout objet fabriqué correspond une série d’opérations précises qui se trouvent être contenues toutes dans sa forme et sa destination, multipliées par le nombre des sujets choisis, ces opérations se trouvent libérées dans les surfaces accumulatives.
Ce procédé de travail est en corrélation avec les méthodes actuelles: automation, travail à la chaine et aussi mise au rebut en série, créant des strates et des couches géologiques pleines de toute la force du réel.